La planification familiale est essentielle à la réduction de la pauvreté et à l’assurance d’un avenir en santé et productif pour des millions de femmes et de filles à travers le monde. Toutefois, avec la COVID-19 qui perturbe à la fois les systèmes de santé; les chaînes d’approvisionnement en produits de santé; et, les modes de vie dans de nombreux pays, de plus en plus de femmes et de filles ne sont plus en mesure d’accéder aux informations, aux produits et aux services de planification familiale dont elles ont besoin. Cette situation aura un impact direct sur la santé et le bien-être des femmes et des filles dans les années à venir. Elle entraînera également des grossesses non désirées, qui pourraient mettre les mères et les enfants à risque de malnutrition, de maladie et de difficultés économiques — et faire basculer les plus vulnérables dans une pauvreté plus profonde.

Dans le cadre de leur récente collaboration analytique, le Mécanisme de financement mondial (GFF) la Reproductive Health Supplies Coalition et Avenir Health ont procédé à l’évaluation des implications sur l’offre de l’application de stratégies d’atténuation des effets de la COVID-19 sur l’utilisation des contraceptifs. Les estimations tirées de notre nouvel outil de modélisation, qui examine spécifiquement la planification familiale dans le contexte de la COVID-19, indiquent que jusqu’à 26 millions de femmes pourraient perdre l’accès à la planification familiale dans les 36 pays soutenus par le GFF, ce qui pourrait conduire à près de 8 millions de grossesses non désirées.

Nous constatons déjà que, dans les pays appuyés par le GFF, des femmes et des filles se voient actuellement privées des services essentiels. Au Libéria par exemple, la conjonction entre les perturbations à la chaîne d’approvisionnement, les restrictions à la mobilité et la crainte suscitée par la COVID-19 entraîne déjà une baisse de 40 pour cent des consultations externes. En fait, selon un sondage éclair récent du GFF, 8 sur 10 des pays appuyés par le GFF font état d’une baisse de la demande en services essentiels ; 77 pour cent mentionnent des perturbations dans l’approvisionnement en produits de santé essentiels ; et, 87pour cent ont constaté la présence d’impacts sur les personnels de santé.

La communauté mondiale de planification familiale a réagi rapidement afin d’atténuer ces chocs sur l’offre et la demande à travers le conseil aux décideurs. Notre collaboration en matière de modélisation suggère que même avec l’application de mesures d’atténuation énergiques, la COVID-19 pourrait entraîner des changements fondamentaux dans l’utilisation des contraceptifs par les femmes.

Comprendre comment la COVID-19 influe sur la demande, l’offre et l’équité

Une stratégie permettant d’assurer l’accès à la planification familiale à l’ère de la COVID-19 devrait d’abord reposer sur une compréhension de ses impacts sur la demande, l’offre et l’accès équitable. Par exemple, les impératifs de réduction des contacts directs avec un prestataire de soins de santé risquent d’entraîner le recul des consultations sur les méthodes contraceptives qui font appel à ce type de contact. La situation pourrait entraîner une diminution des consultations liées aux implants, aux DIU et aux injectables, ce qui pourrait inciter les femmes et les filles à augmenter l’utilisation de méthodes d’autoprotection, notamment les pilules; les préservatifs; la méthode des jours fixes; les timbres; et, les anneaux. De plus, de nombreux décideurs augmentent actuellement le nombre d’unités de produits distribuées lors d’une consultation de planification familiale. Cet apport prévisionnel pourrait réduire les contacts avec le système de santé, mais risque d’entraîner une forte augmentation des besoins d’approvisionnement à court terme — soit plus du triple des pilules contraceptives orales nécessaires sur une période de six mois dans les pays appuyés par le GFF. Plusieurs de ces tendances se situent à l’encontre de celles promues avant la pandémie de COVID-19, qui prévoyaient une forte dépendance aux injectables et une utilisation croissante des méthodes réversibles à longue durée d’action. En fait, en 2018, les deux tiers des dépenses publiques de planification familiale étaient consacrés aux implants et aux injectables.

Puisque le secteur privé représente 59 pour cent de l’offre en méthodes à court terme dans les pays appuyés par le GFF, celui-ci pourrait s’avérer une source plus pratique et plus acceptable de réapprovisionnement ou de recours par les femmes à des méthodes de transition. Cependant, les frais d’utilisateurs et la répartition des services privés pourraient rendre cette option viable uniquement pour les femmes mieux nanties, à moins que des subventions ne puissent être mobilisées pour en assurer l’abordabilité. Les stratégies de financement du côté de la demande ou d’achat public de services consentis par le secteur privé ont déjà fait la preuve de leur efficacité en matière d’amélioration de l’équité dans les services de PF offerts par le secteur privé. Les autres stratégies susceptibles d’assurer l’équité incluent notamment le recours aux services d’agents de santé communautaire ou de sensibilisation mobiles, qui permettent de rapprocher les services des clients à mobilité réduite ou confrontés à une baisse du revenu du ménage.

Évaluer les impacts pour des solutions efficaces : un outil pour les décideurs

La COVID-19 modifie le paysage contraceptif de façon cruciale et, par extension, la capacité des programmes nationaux à répondre aux besoins immédiats des femmes en matière de contraception. Le nouvel outil de modélisation (MICRO) permet de modéliser différents scénarios et d’en quantifier les impacts sur l’évolution de l’offre et de la demande de contraception. Ces résultats peuvent aider les décideurs à élaborer des stratégies d’atténuation spécifiques aux pays. Contrairement aux modèles existants, qui examinent toutes les méthodes de contraception et les utilisatrices mariées, MICRO se concentre sur les méthodes modernes et sur toutes les utilisatrices, ceci en tenant compte de l’offre de contraceptifs par les secteurs public et privé.

L’outil n’a pas pour objet de prédire l’avenir, mais il permettra aux utilisateurs d’explorer (et de quantifier) les changements potentiels dans les besoins de contraception, ainsi que les implications des différentes stratégies et scénarios d’atténuation. Les pays peuvent ajuster n’importe laquelle des hypothèses de l’outil afin de refléter le marché et le système de santé local, d’élaborer leurs propres réponses ; et, d’explorer les adaptations à la prestation de services qui permettront de répondre aux changements dans leurs besoins. Parallèlement, l’outil peut fournir aux donateurs et aux planificateurs de programmes des informations qui les aideront à revoir les plans d’approvisionnement et les modèles de financement afin de garantir que la contraception bénéficie d’un soutien efficace.

Les femmes ont besoin de plus que de simples produits — elles ont besoin d’avoir accès à des informations précises et à une communication appropriée. Elles ont également besoin d’un soutien émotionnel, physique et financier. MICRO est destiné à stimuler la réflexion sur la réponse politique dans son ensemble et la refonte de la prestation de services en matière de planification familiale, apportant de ce fait un soutien à la prise de décision à travers la mise en lumière des risques spécifiques à un pays donné.

Nous espérons que les pays pourront utiliser cet outil et ces données pour identifier ce qui convient le mieux à leurs communautés et mettre en œuvre des stratégies d’atténuation qui permettront de maintenir les services essentiels de santé de la reproduction s’adressant aux femmes et aux filles.


Un commentaire plus élaboré a récemment été publié dans Global Health Science and Practice 

Outil : Modeling the Impact of COVID-19 on RH Options (MICRO): A Scenario Building Tool to Assess Contraceptive Risk and Mitigation Strategies